Le Respect éminent du Prophète
Qadi Iyad


«Ceux qui cherchent à nuire à Dieu et à Son Prophète, Dieu les maudit dans ce bas-monde et dans l'autre. Il leur ménage un châtiment d'ignominie» (sourate Al Ahzab 33, verset 57)

« Ne traitez pas l'appel de l'Envoyé parmi vous comme n'importe quel appel que vous vous lancez l'un à l'autre ».(La Lumière, V:63)

Compréhension du respect

Ibn' Abbas  a dit: «révérer le Prophète (tou' azzirou), signifie 1'honorer (toujilloûh). »

Pour sa part, al-Moubarrid a dit: «Le révérer signifie l'exalter outre mesure (toubâlighoufi ta 'dhîmihi)»

Al-Akhfash a dit: «C'est lui prêter assistance. »

At-Tabarî a dit: « C'est lui apporter de l'aide (tou'inouh). »

Le respect des compagnons de son vivant

On rapporte que lorsque ce verset fut révélé, Aboû Bakr dit au Prophète  : «Par Dieu! Ô Envoyé de Dieu, je ne te parlerai désormais qu'à voix basse.»

'Oumar  décida également de ne s'adresser au Prophète  qu'en murmurant, au point que le Prophète faisait répéter à maintes reprises. Suite à quoi, Dieu fit descendre: «Ceux qui parlent à voix basse devant l'Envoyé de Dieu sont ceux dont le coeur a été éprouvé par Dieu en vue [d'y mettre] de la piété. Ils obtiendront le pardon [de leurs fautes] et une immense rétribution.»  (Sourate Al Hujurate, 49 verset 4 )

Safwan ibn' Assal rapporte que lors d'un voyage du Prophète , un Arabe bédouin l'a appelé de sa grosse voix : « Aya Mouhammad ! Aya Mouhammad ! » .Nous lui dîmes alors: « Parle doucement! Tu as été pourtant mis en garde de ne plus hausser le ton envers le Prophète

Ibn Shamassa al-Mahri  a dit: « Un jour ' Amr ibn al-' As  nous a rapporté un long récit dans lequel il a dit: « Personne n'était plus cher pour moi que le Prophète  , ni plus vénéré à mes yeux. Aussi, je n'ai jamais pu le fixer du regard tant je le révérais. Et si jamais on me demande de le décrire, j'en serai incapable, car je n'ai jamais osé le regarder suffisamment. » (Mouslim)

D'après Anas ibn Malik  , lorsque le Prophète  sortait de chez lui, il trouvait ses compagnons assis dans la mosquée, il y avait parmi eux Abou Bakr  et 'Oumar , et personne d'entre eux n'osait lever la tête pour le regarder, sauf Abou Bakr et 'Oumar qui échangeaient avec lui le regard et le sourire. (Tirmidhi)

Oussama ibn Sharik  a dit: «Je suis allé vers le Prophète, je l'ai trouvé entouré de ses Compagnons qui étaient dans une attitude de recueillement telle qu'on aurait cru que des oiseaux étaient posés sur leurs têtes.»

Al-Mughîra  rapporte que les Compagnons du Prophète  avaient pris l'habitude de frapper à sa porte par le bout des ongles.

Al-Barrâ ibn 'Azib  a dit: « Il m'arrivait de vouloir interroger le Prophète  à propos de certaines questions, mais je retardais de le faire pendant des années, par déférence envers lui. »

Al `Abbas  était l'oncle du Prophète  et il était plus âgé que lui. Une fois, quelqu’un lui demanda qui d'entre lui et le Prophète était le plus grand. Al `Abbas   répondit : "Le Prophète  est le plus grand, mais je suis né avant lui!"

Le respect des compagnons après sa mort

Il est du devoir de tout croyant de continuer à vouer respect et vénération au Prophète   après sa mort, tout comme on le faisait de son vivant, quand il entend parler de ses hadiths ou de sa vie; quand il entend prononcer son nom, évoquer les membres de sa famille ou ses Compagnons.

Abû Ibrâhîm an-Nujaybi a dit: « Tout croyant a le devoir, lorsqu'il évoque le Prophète  ou lorsqu'il parle de lui, de prendre une attitude de déférence et d'humilité, tout comme s'il se trouvait en sa sainte présence. »

Qadi Aboul-Fadl a dit: « C'est ainsi que se comportaient nos pieux ancêtres et nos imams, que Dieu les agrée"

Abou Hamid al-Ghazali rapporte qu'Abou Ja'far, Prince des croyants, a eu une vive discussion avec Imam Malik dans la mosquée du Prophète . Lorsque Malik le reprit en lui disant: « Ô Prince des croyants! N'élève pas la voix dans cette Mosquée, car Dieu a admonesté des gens en leur disant : " N'élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète "' Et Il a loué des gens en disant: " Ceux qui parlent à voix basse devant l'Envoyé de Dieu. .. " enfin, Il a fortement blâmé des gens en disant : la plupart de ceux qui t'appellent [Prophète] de l'extérieur de tes appartements ne réfléchissent pas. " Ainsi, le caractère sacré de la personne du Prophète demeure le même après sa mort qu'il fut de son vivant. »

Devant ces paroles, Abou Ja'far s'humilia et dit : Abû ' Abdallah !  Dois-je m'orienter vers la Qibla pour faire mes invocations, ou alors me tourner vers l'Envoyé d'Allah  ? » Alors Mâlik lui dit: «Pourquoi détourner ton visage de lui, alors qu'il sera ton Intercesseur et celui de ton père Adam auprès de Dieu le Jour du Jugement ? Au contraire, mets-toi en en face de lui (c'est-à-dire de sa tombe), et  demande à Dieu de t'accorder son intercession. Dieu la lui accordera. Dieu a dit: « Si seulement lorsqu'ils se faisaient du tort à eux-mêmes, ils étaient venus (te voir) demander pardon à Dieu, et que le Prophète avait sollicité pour eux le pardon, assurément ils auraient trouvé auprès de Dieu une indulgence et une compassion totales. »   (Sourate An Nissat,4 verset 64 )

Mous'ab ibn' Abdallah rapporte le récit suivant : «Lorsque Anas ibn Malik  évoquait le Prophète , son visage changeait de couleur et tout son corps se courbait, à tel point qu'il mettait ceux qui étaient assis avec lui dans une grande gêne. Une fois, quelqu'un se risqua de lui en demander la raison. Alors il lui répondit: "Si vous aviez vu ce que j'ai vu, vous n'auriez certainement pas désapprouvé mon attitude. Il m'arrivait de voir Mouhammad ibn al-Munqad, le maître des lecteurs du Coran, lorsqu'il était interrogé sur les hadiths, pleurer à chaudes larmes. Je me souviens aussi que Ja'far ibn Mouhammad, qui était pourtant de caractère jovial et souriant, pâlissait dès qu'il entendait parler du Prophète . Je ne l'ai jamais vu parler du Prophète   sans être en état de pureté rituelle. Et il fut une époque où j'allais souvent le voir; je le trouvais obligatoirement dans l'une des trois attitudes suivantes :

1) soit en train d'accomplir la prière ;

2) soit plongé dans un silence profond;

3) soit lisant le Coran.

Il ne parlait jamais de ce qui ne le regardait pas. Il faisait partie des savants pieux qui craignent Dieu." »

Il rapporte également que, lorsque Abdarrahman  al-Qasim évoquait le Prophète , on voyait son visage blêmir comme s'il était atteint d'une hémorragie soudaine; sa langue devenait sèche dans sa bouche, par révérence au Prophète . Amir ibn' Abdallah, quant à lui, lorsque l'on lui parlait du Prophète , se mettait à pleurer jusqu'à épuisement des larmes.

Az-Zahri, qui était un homme très aimable et très sociable, dès qu'on lui parlait du Prophète , il devenait subitement farouche, comme s'il ne connaissait personne.

Safwan ibn Salim était un savant très pieux et dès qu'il évoquait le Prophète , il se mettait à pleurer à n'en plus pouvoir, au point que ceux qui étaient en sa compagnie se levaient et le quittaient.

Ainsi le respect envers le Prophète  doit être le même après sa mort que de son vivant. On raconte à ce propos, qu'il arrivait à Ibn Sirin de rire, mais dès qu'on lui évoquait un hadith, il s'arrêtait net et se mettait dans une attitude d'humilité.

L'exemple de l'imam Malik : Il était le plus généreux des hommes et le plus conciliant. Il pardonna à l'émir qui lui affligea de nombreux coups de fouet à cause de questions religieuses qui les opposaient. Cette attitude, ce comportement, il l'a hérité de la haute considération qu'il accordait au Prophète de l'islam . Il n'y avait pas en fait plus observant que lui du respect de la sunna. Lorsqu'il abordait, tout particulièrement, la science du hadith, il se purifiait entièrement le corps, se mettait du parfum et revêtait ses meilleurs habits, il prenait ensuite place dans la "Rawdha ", lieu situé entre le minbar et la demeure du Prophète  .    

Le respect des maitres et des enseignants qui en découle

Les personnes qui se chargent d'enseigner le message prophétique, quelle que soit sa dimension,  méritent un respect similaire à celui pour le Prophète dans la mesure ou elles parlent de sa part. Le Prophète a dit : "le maître au milieu de ses élèves est comme moi au milieu de mes compagnons", "les savants sont les héritiers des prophètes"

'Abdarrahman ibn Mahdi avait pour habitude, lorsqu'il lisait le hadith du Prophète , d'exiger le silence complet de son assemblée et il disait : «N'élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète » dans le sens de : «écoutez la lecture du hadith dans la même attitude que si le Prophète vous parlait.»

On rapporte au sujet de Qatada le récit suivant : «Lorsqu'il entendait prononcer un hadith du Prophète , il était soudain pris de tremblements et de gémissements. »

On demanda un jour à l'imam Malik, lorsque l'affluence des gens vers lui devenait nombreuse: «Et si tu mettais quelqu'un pour dicter tes sentences à voix haute ?» Il dit: «Dieu a dit: ,' Ô croyants ! N'élevez point votre voix au-dessus de celle du Prophète." »

Le respect envers les maîtres et les enseignants est dû d'une part à l'éminence du message prophétique qu'ils transmettent et d'autre part à la charge d'héritiers du Prophète qu'ils assument.


(principale source Shifa de Qadi Iyad, Rahimahou llah)